Vers une baisse du taux hypothécaire de référence en décembre ?

Juridique
Gérance
Derham
  • 31 oct 2024

Après la récente décision de la BNS de baisser pour la troisième fois ses taux, il est devenu probable que, lors de la prochaine annonce de l'Office fédéral du logement (OFL), en décembre, le taux hypothécaire de référence soit revu à la baisse. Mais, au fait, comment l'OFL calcule-t-il ce fameux taux ? Et quelles seraient les conséquences d'une baisse pour les locataires et les propriétaires ? Nous avons posé la question à une spécialiste du sujet, Eliane Débaz, responsable du service juridique et  Directrice adjointe de la gérance deRham, une des plus importantes et des plus anciennes de la place romande.

 

Eliane Débaz, lors de la dernière augmentation du taux hypothécaire de référence en décembre 2023, la plupart des observateurs s’attendaient à une 3ème hausse au 1er semestre 2024, qui n’a pas eu lieu. Que s’est-il passé ?

Effectivement, même l’Office fédéral du logement (OFL) avait prédit une hausse du taux de référence à 2% « au cours de l’hiver 2024/2025 » dans sa publication trimestrielle « Aperçu du marché du logement » du dernier trimestre de 2023.

En réalité, l’augmentation des taux d’intérêts hypothécaires qui a débuté sérieusement en 2022 a été assez forte, mais n’a pas duré longtemps. C’est principalement la hausse de l’inflation, consécutive à la pandémie du covid et à la guerre en Ukraine, qui a généré cette nouvelle tendance après de nombreuses années consécutives de baisse des taux. Après avoir atteint un niveau proche des 3% pendant quelques mois, les taux des nouvelles hypothèques ont heureusement recommencé à baisser dès 2024. Comme le taux de référence intègre dans une moyenne, non seulement les conditions des nouvelles hypothèques, mais aussi les taux des hypothèques à taux fixe existantes, qui sont encore très bas, car ils ont été fixés il y a plusieurs années, il n’a finalement augmenté que de 1.25 à 1.75%, sans atteindre les 2%.

 

Au fait, qui détermine ce taux ? Et quand peut-il être modifié ?

C’est l’Office fédéral du logement (OFL) qui fixe ce taux. Il fait l’objet d’un nouveau calcul et d’une mise à jour 4 fois par année, le 1er jour ouvrable des mois de mars, juin, septembre et décembre.

 

Ce taux est-il calculé avec une formule stricte ou est-il laissé à l’appréciation des fonctionnaires de l’OFL ?

La définition technique du taux de référence est donnée par l’ordonnance sur le taux hypothécaire du 22 janvier 2008 : c'est le taux d’intérêt moyen des créances hypothécaires des banques suisses. Une formule particulière existe pour le calculer, présentée sur le site internet de l’OFL dans un document intitulé « Calcul du taux hypothécaire moyen » du 05.01.2022. C’est l’occasion de dire ici que l’OFL a récemment complété son site en donnant des informations plus détaillées, utiles notamment pour expliquer la différence entre le taux directeur de la BNS et le taux de référence pour les loyers. Les locataires confondent souvent à tort ces deux taux.

 

Il y a quand même une corrélation avec le taux directeur de la BNS ?

Oui, il y a une corrélation, puisque le taux de la BNS va avoir une influence directe sur les taux pratiqués par les établissements bancaires dans le cadre de l’octroi des nouveaux crédits. Mais la corrélation n’est ni immédiate ni stricte, car il y a un délai d’adaptation entre l’annonce d’un changement de taux directeur par la BNS et les effets sur les taux réellement pratiqués par les banques. Par ailleurs, comme le taux de référence est une moyenne des conditions des hypothèques existantes, il intègre aussi les conditions « anciennes  » des hypothèques à taux fixes en cours, ce qui provoque un effet de lissage du taux dans le temps.

 

Comme c’est une formule, peut-on anticiper l’évolution de ce taux de référence ?

L’évolution est délicate à anticiper de façon précise pour plusieurs raisons. D’une part, l’évolution du taux directeur de la BNS est difficilement prévisible, car elle dépend d’un ensemble de facteurs et si elle alimente bien des conversations de personnes avisées en matière de finance, il n’y a jamais de certitudes en la matière. D’autre part, le calcul reposant sur un vaste recensement de créances hypothécaires en cours dans le marché bancaire, auquel seul l’OFL a accès, il n’est pas possible d’analyser les composantes de celui-ci et d’en tirer des conséquences en matière de prévision pour l’avenir.

En raison de l’inertie du taux d’intérêt de référence, la situation ne devrait pas évoluer avant plusieurs trimestres

 

Vraiment? Les taux hypothécaires étant connus de tous, il n'est pas possible aux spécialiste de faire leur propre calcul ?

Effectivement. Et je reprends ici les termes de l'OFL qui confirme: « il est difficile de prévoir l’évolution exacte du taux d’intérêt de référence, car celle-ci dépend non seulement de la politique monétaire de référence, mais aussi du comportement des banques et des preneurs d’hypothèques ».

 

Après la triple baisse des taux directeurs de la BNS, est-ce que l’on peut néanmoins anticiper une baisse du taux d’intérêt de référence ?

Oui, la baisse est amorcée, puisque le taux d’intérêt moyen a passé de 1.72% au 04.06.24 à 1.67% au 03.09.24. Si le taux baisse dans la même mesure le prochain trimestre, soit de 0.05 points de base, alors le taux s’élèvera à 1.62% et sera arrondi à 1.5%. Il faut noter toutefois que l’OFL de son côté, dans sa dernière publication « Aperçu du marché du logement 3/2024 », prédit que « En raison de l’inertie du taux d’intérêt de référence, la situation ne devrait pas évoluer avant plusieurs trimestres ». A suivre de près …

 

J’insiste : avec l'annonce d'une nouvelle baisse des taux de la BNS, fin septembre, est-ce que l'on peut désormais tabler sur une baisse du taux hypothécaire de référence ?

Disons qu'une baisse devient effectivement probable, soit en décembre 2024 ou alors dans le courant du 1er semestre 2025. Mais au vu de la méconnaissance des données réelles intégrées dans la formule utilisée, il n'y a toutefois pas de certitude. En outre, on l'a vu ces dernières années, tout peut changer très rapidement, surtout dans le contexte actuel marqué par de graves tensions internationales.

 

S’il y a une baisse, quelles seront les conséquences sur les loyers, pour les locataires et les propriétaires ?

Les locataires qui ont un loyer basé sur un taux de référence à 1.75% pourront demander une baisse de loyer pour la prochaine échéance de leur bail. La baisse de 1.75% à 1.5% engendre une diminution de loyer de 2.91%, qui peut être compensée en tout ou partie par l’évolution des autres paramètres, à savoir l’IPC (Indice des Prix à la Consommation) à raison de 40%, l’augmentation des charges d’exploitation de l’immeuble, d’éventuels importants travaux à plus-value ou des réserves de hausse de loyer.

 

Les bailleurs peuvent-ils s’opposer à une telle demande de baisse?

Oui, en plus de la compensation des paramètres, ils peuvent s’opposer à toute baisse de loyer s’ils sont en mesure de démontrer que le loyer en question leur procure un rendement insuffisant ou qu’il se situe en-deçà des loyers usuels du quartier ou de la localité.

 

Rédaction - Immoday
 


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