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Jean-Jacques Morard : Une vision claire pour l'avenir du marché immobilier
Derham
Gérance
Innovation
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26 Aoû 2024
Alors que deRham fête cette année ses 125 ans, Jean-Jacques Morard, son CEO et administrateur délégué, décrypte le marché immobilier et son évolution.
Monsieur Morard, quel regard portez-vous sur l’année 2024 ?
Pour ce qui est de la gérance, c’est une année de consolidation suite à une très forte croissance – notre portefeuille frise les 270 millions d’états locatifs sous gestion. S’agissant du courtage, elle représente une reprise, car 2023 a été plus difficile. Le volume des transactions a chuté en raison de la montée subite des taux hypothécaires. Cette année est donc repartie sur de très bonnes bases. Quand le taux hypothécaire avoisine 2 %, comme c’est actuellement le cas, le marché est sain et équilibré. Et avec la nouvelle baisse du taux directeur de la BNS annoncée mi-juin, cela devrait aussi rassurer les acheteurs. Les perspectives d’évolution sont positives, et je ne vois pas, dans nos régions, de signaux d’inquiétude qui pourraient menacer les activités immobilières dans les prochaines années. Cela dit, il y a encore du travail à effectuer au niveau de la fiscalité. Le canton de Vaud est le moins attractif de Suisse et applique encore des impôts sur les successions et les donations en ligne directe. Si cela ne nous pénalise pas tant que cela au vu du marché favorable, cela n’en reste pas moins inacceptable.
Comment percevez-vous la problématique de l’accession à la propriété en Suisse ?
C’est un échec de longue date. La volonté constitutionnelle de favoriser cette accession est bien présente, mais force est de constater qu’on atteint tout juste les 30 % de propriétaires. Plusieurs facteurs l’expliquent : il n’est pas si facile d’acheter et de revendre ; le niveau général des loyers est relativement bas, soit une moyenne nationale de 1450 fr. pour un 3 pièces de 80 m2, selon Swisslife, l’un des plus gros propriétaires du pays ; la réglementation bancaire demande 10 % d’apport de fonds propres hors caisse de retraite et les banques calculent la tenue des charges sur un taux de 7 % ; et le pouvoir d’achat s’érode. Je doute donc que le nombre de propriétaires augmente à l’avenir.
Quels sont les biens qui ont actuellement le plus de succès ?
En matière de transactions d’objets par année, les propriétés par étage (PPE) mènent le bal, d’autant plus qu’on souhaite ramener les gens en ville. Cela dit, en dépit de la loi sur l’aménagement du territoire, qui limite les zones villas, le rêve de la maison individuelle reste bien présent. Celle-ci devient cependant une denrée rare et onéreuse – c’est pour ces biens que l’augmentation des prix a été la plus marquée.
Le marché immobilier connaîtra-t-il de profondes mutations ?
C’est certain. La digitalisation et les nouvelles méthodes de travail qui en découleront auront un fort impact. Les prestations sans valeur ajoutée disparaîtront, ce qui nous obligera à nous concentrer là où nous sommes incontournables. J’y vois une opportunité plus qu’une crainte. Le profil de nos collaborateurs changera aussi. Depuis quelques années, nous engageons des profils non spécialistes de l’immobilier, comme des data analystes, ce qui est assez nouveau dans la branche. La digitalisation pourrait, par exemple, représenter une aide précieuse dans l’administration des PPE, service que nous ne proposons plus, car c’est trop chronophage et mal rétribué. La rénovation énergétique cristallise aussi de grands enjeux, notamment en raison des coûts de l’énergie. Le processus de responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui débouche sur des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), est central. Nos clients institutionnels y sont de toute façon contraints, alors que les particuliers y adhèrent par conviction. Nous sommes dans une époque dynamique, où il est important de se positionner pour le futur.
Et il y a aussi le vieillissement de la population…
C’est un énorme trend sociétal. Plusieurs investisseurss’intéressent déjà aux produits immobiliers destinés aux 50 ans et plus. Cela va des logements légèrement adaptés aux biens totalement médicalisés.
A propos d’avenir, quelles sont les perspectives à plus long terme et les défis à relever dans le secteur de la gérance ?
Il faudra être capable de s’adapter à l’évolution de la vision des propriétaires institutionnels, qui ont notamment de grandes attentes au niveau de la proptech (digitalisation dans le secteur de l’immobilier). Pour rester des partenaires solides, nous devrons faire beaucoup de concessions en termes d’adaptation du cahier des charges du mandat de gérance. Nous devrons proposer des services à la carte en acceptant de devoir partager certaines prestations. Nous pourrions sortir du modèle où la régie s’occupe de tout pour tendre vers un modèle plus flexible, dans lequel nous offrirons peut-être moins de prestations, mais ces dernières devront avoir une vraie plus-value.
Depuis quelques années, on voit apparaître des agences de courtage avec forfaits fixes. Cela change le métier ?
Leur présence est stimulante. À l’image du covid, elles ont participé à l’accélération des processus de digitalisation. En revanche, je trouve leurs forfaits contraires aux intérêts des propriétaires, car l’encaissement de la plus grosse partie de la commission se fait avant même d’aller devant le notaire. Cela dit, comme ces agences s’attaquent plutôt au marché des particuliers à particuliers, qui n’est pas le nôtre, ce ne sont pas de vrais concurrents.
deRham fête ses 125 ans
Propriétés Magazine :
deRham SA. (2024). Interview de Jean-Jacques Morard. Propriété, (n°6), pp. 19-20. deRham SA.